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u'elle fait plaisir à voir cette nouvelle collection 1800 proposée par Soleil ! Elle fleure bon la reprise de figures mythiques selon un mode cher aux studios anglais des années 50 et 60 peuplés de créatures inquiétantes qui erraient dans les couloirs de décors aussi obscurs qu'interminables au son d'une musique dont la sobriété n'était pas l'atout principal. Bien sûr, elle exploite un créneau qui fait vibrer la corde sensible de cinéphiles nostalgiques, qu'ils soient inconditionnels depuis la première heure ou devenus amateurs d'un genre qu'ils ont éventuellement raillé avant de lui trouver des qualités. Mais les deux premiers titres proposés suscitent curiosité, puis intérêt, davantage en tout cas qu'ils n'inspirent un mauvais procès en recyclage d'une frange du 7ème art si souvent qualifiée de mineure, voire ringarde.
Mister Hyde contre Frankenstein risque d'ailleurs de constituer l'un des beaux fleurons de la collection. Déjà, ce titre, ô combien symbolique, qui reprend les associations improbables et culottées qui consistaient à accoler deux noms de personnages pressés jusqu'à la dernière goutte à force d'avoir été portés à l'écran. Y compris dans le cadre d'un « Retour » ou d'une «Vengeance », ou encore pour mettre sous les projecteurs un de leurs rejetons. A sa découverte, il colle un sourire aux lèvres, amusé ou narquois, mais dans le deuxième cas, on est évidemment tenté d'inviter les grimaciers de tout poil à passer leur chemin. La couleur est annoncée et il n'y a pas tromperie sur la marchandise.
L'hommage contient tout ce que l'on attend d'un amoureux du cinéma tel que Dobbs. Les codes sont respectés : personnages qui se dévoilent lentement, au besoin dans le cadre de passages un rien verbeux ; pièces dérobées et essentiellement souterraines qui sont le théâtre d'abominations que le lecteur découvre tel un voyeur ; cortège de gens de maison au service d'aristocrates pervers et dangereux ; scènes gores suggérées, puisqu'il ne nous en laisse voir que le résultat final ou les tous derniers plans. Sans oublier un sous-titre à l'accent apostat, qu'on aurait qualifié de légèrement sulfureux à une certaine époque.
Et le rythme. Là où Sherlock Holmes et les vampires de Londres paraissait un rien poussif pour dérouler son fil, Hyde semble au contraire le maîtriser. Le scénariste balade, au sens propre comme au figuré, son spectateur complice. Celui-ci connait le personnage de Hyde sur le bout des doigts au point qu'il sera impossible de le surprendre ? Soit, alors l'effort sera porté sur la façon d'amener ses méfaits. Et, manipulateur et cruel comme il apparaît, pas question d'en faire une victime. Le point d'orgue annoncé du diptyque sera la confrontation entre les deux créatures ? Puisque c'est ce que vous pensez, et bien mes gaillards, il faudra vous armer de patience. D'autant que la découverte du second monstre, dans le cadre d'une image-choc, vaut bien tous les cliffhangers du monde. C'est lent, parfois pour ménager une place laissée pour quelques montées d'adrénaline, mais tant pis pour les amateurs du cut épileptique. Même tarif pour les accros à l'audace graphique débridée : Antonio Marinetti et Virginie Blancher proposent un trait réaliste et une palette dérivée du sépia qui confèrent à l'album la patine vintage appropriée. Autant d'atouts pour une frange de bédéphiles avant tout soucieux de lisibilité.
Mister Hyde contre Frankenstein s'assume - et se consomme - pour ce qu'il est, une invitation à faire un bond dans le passé et à redécouvrir la patience avant de mériter la suite. Celle de l'empoignade titanesque ? Celle au cours de laquelle Faustine (hum, hum) Clerval – LA trouvaille du scénariste – abattra son jeu ? Certainement. D'ici là, il est plus que probable que la dernière case de ce premier volet aura fait parler d'elle...
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